lundi 8 septembre 2025

JE N’EXISTE PLUS

 RÉSUMÉ

Ce texte propose une réflexion spirituelle sur une période de crise où la foi et l'amour paraissent s'éteindre, mais où la persévérance dans la parole divine ouvre la voie à un salut et un renouveau. Il invite à garder confiance malgré l'apparente absence de Dieu et à s'ouvrir à la réconciliation et à la proclamation universelle de la Bonne Nouvelle.

·       Prophétie d'une époque de désespoir: Une période de tromperie, de refroidissement de l'amour à cause du mal croissant, où il semblera que Dieu n'existe plus, est annoncée, mais la persévérance jusqu'à la fin garantit le salut.   

·       Silence et prière dans l'épreuve: Malgré le silence et la fatigue spirituelle, la prière et la semence de la Parole demeurent essentielles pour ranimer la foi et l'espérance même dans l'obscurité.   

·       Tension entre inexistence et vie en Christ: L'auteur exprime un bouleversement intérieur face à la pensée « JE N’EXISTE PLUS », affirmant que la vie a sens en Christ, même lorsque tout semble absent.   

·       Retour à l'amour et réconciliation: Après une sécheresse spirituelle, beaucoup reviendront vers Dieu, retrouvant l'amour véritable et la tendresse du Père, grâce à l'action patiente de l'Esprit qui renouvelle l'espérance.   

·       Proclamation universelle de la Bonne Nouvelle: La bonne nouvelle du royaume de Dieu sera annoncée à toutes les nations par la Parole vivante de Jésus-Christ, source d'amour, de justice et de paix, éclairant le monde et unissant les croyants.   

·       Espérance et salut universel: Ceux qui persévèrent dans la foi recevront un salut sans frontière, et l'avènement de la Bonne Nouvelle marquera l'aube d'un règne où l'espérance éclaire toute obscurité.  



JE N’EXISTE PLUS

 

« Beaucoup de prétendus prophètes surgiront et ils tromperont beaucoup de gens. A cause de la progression du mal, l'amour du plus grand nombre se refroidira, mais celui qui persévérera jusqu'à la fin sera sauvé. » Matthieu 24:11-13 S21

 

Ce dimanche matin du sept septembre 2025, à mon réveil, une parole était suspendue telle une pensée écrite au-dessus de mon esprit : « JE N’EXISTE PLUS ! »

Interrogeant l’Esprit de Dieu : « Qui n’existe plus ? » 

Et je me mis à suivre l’Esprit de Dieu, là où je sème Sa Parole frappant à la porte de biens des cœurs… : « Où sont-ils, celles et ceux chez qui ma Parole frappe à la porte de leur cœur ? »

Le silence me répondit, dense et infini. J’avançai alors sur les sentiers invisibles de la prière, cherchant les traces laissées par la lumière dans la vie des âmes croisées. Pourtant, tant de cœurs me semblaient scellés, les échos de l’Évangile se heurtant à des murailles de lassitude ou de peur. La Parole semée devenait murmure, et le feu, jadis ardent, semblait vaciller dans l’obscurité grandissante.

Pourtant, une promesse restait, vivante : « Celui qui persévérera jusqu’à la fin sera sauvé. » Cette parole brillait comme une étincelle dans la nuit, rappelant que l’espoir n’est pas mort, même quand l’absence se fait sentir. Car là où la foi survit, même fragile, le souffle de l’Esprit peut encore ranimer ce qui semblait éteint.

Alors, dans la douceur de ce matin, j’ai prié pour que s’ouvrent à nouveau les portes invisibles, que celles et ceux qui croient ne laissent pas leur amour se refroidir. Que la Parole, comme la rosée, vienne rafraîchir la terre des cœurs, et qu’en dépit du mal qui grandit, l’espérance se relève — silencieuse mais indomptable.

 

Toutefois, cette pensée : « JE N’EXISTE PLUS ! » demeurait suspendue tel un écriteau au-dessus de ma tête. Dans ce bouleversement intérieur, où s’opposaient l’idée de n’être plus et la réalité d’exister en Christ, mon esprit cherchait une station de repos, un havre pour discerner la vérité dans le tumulte.

Alors, j’ai crié en silence : « Seigneur Jésus, qui n’existe plus ? Toi, tu es vivant, et ma vie n’a de sens qu’en Toi et pour Toi. » Un écho doux, profond, m’a répondu au cœur : « Oui, tu vis en Moi. Mais ce que vous allez affronter ressemblera à une époque où l’on croira que « JE N’EXISTE PLUS ».

Le mal croîtra, les nations deviendront ingouvernables, et l’amour, force essentielle, se refroidira peu à peu. Dans ce désert affectif, il semblera que Dieu même a disparu, tant Sa présence ne sera plus ni reçue, ni partagée. Lorsque l’Amour, qui est Dieu, ne circule plus, alors tout menace de basculer vers la fin.

Pourtant, même dans la nuit la plus épaisse, une étincelle peut rallumer la braise. L’invitation demeure : persévérer, tenir ferme dans la foi, irriguer la terre aride de nos cœurs avec la rosée de la Parole. Car la fin n’est pas le triomphe du vide, mais l’ultime veilleuse de l’Espérance, prête à s’embraser pour qui consent à aimer encore.

 

« Mais celui qui persévérera jusqu'à la fin sera sauvé. » Alors, tel le fils prodigue, après avoir dilapidé tous ses biens, le retour de beaucoup de fils et de filles vers le Père se manifestera à la lueur des semences éternelles. Dans la brume du doute et la poussière de l’oubli, ces âmes, autrefois égarées par la sécheresse de l’amour, sentiront germer en elles la nostalgie de l’AMOUR véritable.

La Parole, longtemps assoupie sous les décombres des habitudes et des peurs, rejaillira comme une source vive au désert. Chaque pas de retour sera un pas vers la lumière, chaque regret une ouverture à la tendresse du Père. Et l’Esprit, patient jardinier des cœurs, cultivera de nouveau l’espérance, arrosant les terres desséchées par la grâce silencieuse de la réconciliation.

Alors, dans la joie du retour, résonnera le chant des retrouvailles : car là où l’on croyait l’amour mort, la vie en jaillira, et l’étreinte du Père, large comme l’éternité, accueillera celles et ceux qui osent revenir, portés par la certitude que l’Espérance ne faiblit jamais, mais attend, inlassablement, au seuil du cœur ouvert.

 

« Cette bonne nouvelle du royaume sera proclamée dans le monde entier pour servir de témoignage à toutes les nations. Alors viendra la fin. » Matthieu 24:14 S21

Ainsi, la Bonne Nouvelle de notre Seigneur Jésus-Christ, ressuscité et glorifié, ne sera pas contenue ou limitée à des paroles humaines ou à des œuvres isolées. Ce sera la lumière du Royaume lui-même, irradiant chaque nation, chaque peuple, chaque être assoiffé de vérité. Ce ne sera plus l’histoire d’un ministère, ni la trace éphémère d’un passage, mais bien le témoignage vivant qui jaillit du cœur même de Dieu.

Dans ce grand dévoilement, le témoignage ne sera pas le fruit des efforts humains, mais celui de la Parole vivante. Car au centre du Royaume, il y a Jésus-Christ, le Fils, le Verbe fait chair, la Source inépuisable de l’Amour qui restaure et enveloppe. C’est de Lui que rayonne la Bonne Nouvelle, celle qui guérit, qui pardonne, qui relève et qui unit. Dans la proclamation universelle, c’est SA voix que le monde entendra : voix de la compassion, de la justice, de la paix véritable.

Quiconque aura persévéré dans le Chemin, la Vérité et la Vie ne sera pas oublié. Recouverts de l’Amour sans mesure, celles et ceux qui auront tenu ferme jusqu’au bout seront les témoins d’un salut qui ne connaît ni frontière, ni oubli. L’avènement de la Bonne Nouvelle ne sera pas le crépuscule d’une ère, mais l’aube d’un règne où l’Espérance ne pâlit plus, où la Parole du Royaume éclaire toute obscurité.

Oui, Jésus-Christ est la Bonne Nouvelle, l’Évangile vivant qui, du cœur du Père, se répand comme une rivière sur la terre altérée, apportant la vie là où tout semblait mort. Et c’est par Lui, en Lui, que chaque nation recevra le témoignage ultime de l’Amour : un amour qui recueille, qui relève, et qui fait toutes choses nouvelles au sein du Royaume de Dieu révélé.

 

« J'ai été crucifié avec Christ; ce n'est plus moi qui vis, c'est Christ qui vit en moi; et ce que je vis maintenant dans mon corps, je le vis dans la foi au Fils de Dieu qui m'a aimé et qui s'est donné lui-même pour moi. » Galates 2:20 S21 

En conclusion, à la lumière de ce verset, s'éclaire le mystère de notre nouvelle existence : être crucifié avec le Seigneur Jésus-Christ, c’est consentir à laisser derrière soi l’illusion d’une vie autonome, soumise aux illusions du monde, pour renaître dans la foi vivante au Fils de Dieu. 

Désormais, ce n’est plus l’ancien moi qui avance, mais la présence même du Christ qui anime chaque souffle, chaque geste, chaque désir offert à l’Amour.

Vivre ainsi, c’est accepter de ne plus rechercher sa propre gloire, mais de s’effacer humblement pour laisser rayonner la vie du Ressuscité à travers soi. C’est reconnaître que l’essence de notre être ne se trouve plus dans les repères passagers de la chair, mais dans la fidélité confiante à Celui qui s’est donné pour nous. 

Exister, ce n’est plus simplement traverser les jours, mais demeurer, enraciné dans la foi, porté par l’espérance, nourri de la grâce offerte.

Ce chemin de dépossession et d’accueil fait de chaque existence un témoignage silencieux: on ne vit plus selon les limites anciennes, mais dans la liberté nouvelle du Christ vivant, ressuscité, agissant à travers nous. 

Ainsi, chaque instant devient promesse d’éternité, et la vie qui semblait si fragile s’ouvre à la plénitude du Royaume. Nous n’appartenons plus à ce monde, mais à la Lumière; et c’est dans la foi au Fils de Dieu que notre vraie existence prend racine et s’épanouit, pour la gloire du Père et la joie de l’Amour qui ne passe jamais.


Vivre comme Christ: l’accomplissement du Royaume sur la terre comme au ciel

Exister en chrétien pour révéler la vie du Royaume

Oui, exister en tant que chrétien, c’est bien plus qu’adhérer à une doctrine ou observer des rites: c’est embrasser la vocation profonde d’être, « COMME CHRIST », la manifestation vivante du Royaume de Dieu ici-bas, dès aujourd’hui, comme il se vit déjà dans les hauteurs célestes. Ce mystère, loin de n’être qu’un idéal inaccessible, devient réalité lorsque la présence du Christ façonne chaque mouvement intérieur et chaque geste offert.

Le Christ, modèle et source de notre existence nouvelle

S’identifier à Jésus-Christ, ce n’est pas seulement marcher sur Ses traces; c’est consentir à laisser la vie du Ressuscité irriguer notre propre humanité. L’apôtre Paul le proclame: « Ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ qui vit en moi. »

Ainsi, le croyant, uni au Fils par la foi, accueille en son cœur la dynamique même de la vie divineune existence qui trouve sa source et son but dans l’Amour du Père.

Exister et vivre « COMME CHRIST », c’est donc laisser l’Esprit modeler en nous les sentiments, les pensées et les œuvres du Fils, jusqu’à ce que notre propre histoire devienne reflet de la sienne. 

Ce dépouillement de l’ego et cette disponibilité à l’Esprit permettent à la lumière du Royaume de jaillir à travers la simplicité du quotidien. Par nos paroles, nos choix, nos gestes de compassion, l’humanité du Christ se donne à voir et à toucher.

Le Royaume de Dieu: une réalité à incarner

Le Royaume n’est pas une utopie lointaine ni un rêve postposé à la fin des temps. Selon la parole de Jésus, « le Royaume de Dieu est au milieu de vous »: il se fraie un chemin dans la vie ordinaire, dans l’accueil de l’autre, dans le pardon donné ou reçu, dans l’espérance indéfectible qui traverse l’épreuve. 

Le chrétien devient alors terre d’accueil pour ce Royaume, champ où le grain de l’Évangile porte du fruit.

Exister « COMME CHRIST » implique de faire advenir la volonté du Père sur la terre, d’incarner la justice, la paix, la miséricorde, la joie du Royaume, là où le monde attend encore des signes de réconciliation. C’est chaque jour choisir de se tenir du côté de la vie, de l’amour qui relève et de l’espérance qui ne déçoit jamais.

Vivre pleinement, dès ici-bas

Loin d’être une fuite hors du réel, l’existence « COMME CHRIST » plonge ses racines dans le sol aride de nos vies, pour y faire éclore la bonté et la vérité du Royaume. C’est une vie offerte, une vie donnée, une vie qui s’abandonne à l’Esprit pour porter la lumière là où tout semblait obscur.

Dans la fragilité de nos jours et la simplicité de nos engagements, nous devenons, à travers la foi, les témoins du Royaume déjà présent, prémices de la gloire à venir. Sur la terre comme au ciel, la même vie divine irrigue et renouvelle: là où le Christ vit en chacun, le Royaume s’étend, invisible mais réel, humble mais puissant, silencieux mais victorieux.

Conclusion: la vocation chrétienne, reflet du Royaume

Vivre en chrétien, c’est accueillir la vie même du Christ, jusqu’à ce que nos existences deviennent parabole de l’Évangile. Ce n’est pas chercher à imiter extérieurement, mais consentir à être transformé intérieurement, pour révéler la beauté du Royaume et en témoigner avec audace, douceur, et fidélité.

Ainsi, sur la terre comme au ciel, la prière du Christ s’accomplit: « Que ton règne vienne, que ta volonté soit faite. » 

Exister « COMME CHRIST », c’est être « lieu de passage » de la grâce, présence vivante de l’Amour qui renouvelle toute chose, et, déjà, goûter la joie de l’éternité au cœur du quotidien.

 

Prière pour la plénitude de l’existence en Christ

Méditation sur la vie renouvelée

« Puisse la lumière du Christ ressuscité et glorifié illuminer le cœur de chaque personne qui parcourt ces lignes, invitant à contempler la profondeur et la richesse de l’existence éternelle offerte dans l’Amour divin. 

Que chaque membre de cette grande assemblée de croyant(e)s formant l’Église Corps de Christ, lectrice comme lecteur, soit touché par la grâce qui transforme et élève, découvrant dans le Christ la source intarissable de vie et de paix.

Dans la présence du Seigneur de notre existence, ouvrons notre être à la plénitude promise: une vie qui ne se limite pas aux frontières du temps, mais qui s’épanouit dans l’alignement du cœur avec la volonté du Père. Que chaque jour devienne une occasion de goûter la joie de l’éternité, de laisser grandir en nous l’espérance qui ne déçoit pas.

Par l’Esprit qui renouvelle, que nos chemins soient guidés vers la vérité, la bonté, et la lumière du Royaume. Ainsi, dans l’humilité et la confiance, accueillons l’invitation à vivre pleinement, à devenir reflet vivant de l’Amour qui restaure et fait toute chose nouvelle.

Que la paix du Christ par qui nous existons rayonne au cœur de chacun, enveloppant toute fragilité et toute aspiration, et que la certitude de l’existence éternelle soit semée dans chaque vie, comme un germe de félicité appelé à porter du fruit pour la gloire de Dieu.

Amen. »

 

Dans l’existence de Son Amour.

Yves GRAVET

Pasteur-Missionnaire

 

FAITES CE QU’IL VOUS DIRA

 RÉSUMÉ

Ce texte propose une méditation approfondie sur l'épisode biblique des noces de Cana, mettant en lumière la simplicité et la profondeur spirituelle de cette rencontre où Jésus accomplit son premier miracle. Il invite à une écoute attentive et confiante de la parole divine, incarnée par Marie, et à une disponibilité intérieure face à l'inattendu de Dieu.

·       Contexte géographique des noces de Cana : Cana, village de Galilée proche de Nazareth, est un cadre symbolique mêlant nature et festivité, propice à la rencontre et à la célébration où se déroule le miracle. 

·       Présence discrète de Jésus : Jésus est invité aux noces avec ses disciples de manière presque fortuite, illustrant son entrée humble dans la vie quotidienne et son rôle d'ouverture à la surprise et au miracle.   

·       Symbolisme du vin manquant : Le vin, symbole d'abondance et de communion dans la culture juive antique, est un breuvage artisanal modeste mais porteur de générosité, dont la pénurie menace la joie collective.   

·       Dialogue entre Jésus et sa mère : L'échange, marqué par le terme « Femme » et la mention de « l'heure » de Jésus, souligne la tension entre lien familial et mission divine, invitant à accueillir la volonté céleste au-delà des attentes humaines.   

·       Invitation de Marie à l'obéissance : Par l'ordre « Faites ce qu’il vous dira », Marie incarne la foi et la confiance, appelant à une écoute active et une disponibilité intérieure avant toute manifestation de la grâce.   

·       Posture de foi et prière : La prière inspirée des noces de Cana invite à déposer ses attentes, à ne pas maîtriser le temps de la grâce, et à vivre dans la confiance et l’abandon confiant à Dieu.   

·       Appel à la transformation intérieure : La méditation souligne que la foi authentique transforme le manque en surabondance et la demande en louange, suivant l'exemple de Marie dans la simplicité et la vérité.   



FAITES CE QU’IL VOUS DIRA

 

« Trois jours après, il y eut des noces à Cana en Galilée. » - Jean 2 :1

Géographiquement, Cana était un village de Galilée, une région au nord d’Israël, caractérisée par ses collines douces et ses vallées fertiles. Selon la tradition, Cana se situerait non loin de Nazareth, à environ une dizaine de kilomètres au nord-est.

Plusieurs sites contemporains revendiquent ce nom, mais celui qui est le plus souvent associé aux récits évangéliques est ‘Kafr Kanna’, un village à l’est de Nazareth. La Galilée, terre mêlant vignes, oliviers et sentiers antiques, offrait un cadre propice aux rencontres et aux festivités, comme ces noces légendaires où l’eau fut changée en vin.

 

« Jésus était là, et Jésus fut invité aux noces avec ses disciples. » - Jean 2 :2

Il est en effet frappant de constater que la présence de Jésus à Cana semble, dans le récit, presque fortuite, comme celle d’un voyageur qui s’arrête sur la route. Cette discrétion initiale est révélatrice : Jésus, accompagné de ses disciples, ne prend pas la place centrale, mais s’inscrit dans la simplicité d’une invitation communautaire. Certains commentateurs suggèrent qu’à l’origine, Jésus n’était pas sur la liste officielle des convives, mais qu’au gré de la rencontre, la nouvelle de sa présence se répand, et on l’invite, lui ainsi que ses compagnons de route.

Cette dimension accentue le naturel de la scène : Jésus partage le quotidien, accepte l’hospitalité offerte, se mêle à la joie populaire. Ce n’est qu’après avoir été remarqué et invité qu’il entre réellement dans l’événement, non pour s’imposer, mais pour répondre à un manque, une attente silencieuse. Son action à Cana surgit dans le fil du quotidien, là où l’on ne l’attendait pas forcément, mais où la présence attentive devient ouverture à la surprise, au miracle. Ainsi, le récit met en valeur la simplicité d’une rencontre, la place de l’inattendu et la capacité à accueillir celui ou celle qui se présente sur notre route, même sans invitation formelle — car c’est souvent là que la grâce se manifeste.

 

« Le vin ayant manqué, la mère de Jésus lui dit :ils n’ont plus de vin. » Jean 2 :3

Le détail que la mère de Jésus remarque le manque de vin en pleine célébration suggère effectivement une ambiance déjà bien animée, où la convivialité battait son plein. En soulignant cette pénurie, elle joue presque le rôle d’une maîtresse de cérémonie attentive, veillant à ce que la joie collective ne soit pas interrompue par un défaut d’hospitalité. Le vin, dans la culture juive antique, n’était pas qu’une simple boisson festive : il symbolisait l’abondance, la bénédiction et la communion.

Mais quelle était la nature de ce vin servi lors des noces de Cana ? À cette époque, le vin produit en Galilée ou dans la région plus large de la Palestine ressemblait davantage à un vin léger, souvent coupé d’eau afin d’adoucir sa puissance et de prolonger sa consommation lors des grands rassemblements. Les techniques de vinification étaient rudimentaires : les raisins étaient écrasés dans des cuves de pierre ou de terre cuite, puis le jus fermentait naturellement, sans ajouts ni filtrations modernes. Ce vin pouvait être sucré ou légèrement acide, selon la maturité du raisin et le savoir-faire des vignerons. Il était parfois épicé d’herbes ou de résines pour relever sa saveur ou améliorer sa conservation.

Ainsi, le vin des noces de Cana, loin des grands crus d’aujourd’hui, se rapprochait d’un breuvage artisanal, modeste mais porteur d’une symbolique forte : il était la marque de l’accueil, de la fête et de la générosité, un lien entre les convives et les hôtes, entre le quotidien et l’extraordinaire. Que ce vin vienne à manquer, c’était risquer d’interrompre la célébration, de briser l’harmonie du groupe — et c’est précisément à ce carrefour que le récit invite à la confiance et à l’écoute, dans l’attente du geste inattendu.

 

« Jésus lui répondit :Femme, qu’y a-t-il entre moi et toi ? Mon heure n’est pas encore venue. » - Jean 2 :4

Ce bref échange entre Jésus et sa mère, tout en retenue et en tension, a longtemps intrigué exégètes, croyants et lectrices ou lecteurs curieux. L’appellation « Femme », surprenante voire abrupte à nos oreilles modernes, n’était pas nécessairement irrespectueuse dans la langue et la culture de l’époque ; elle pouvait traduire une certaine solennité, marquer un pas de côté, signifier une relation différente de celle qui unit un enfant à sa mère dans la sphère privée.

À travers cette adresse, Jésus semble s’extraire du seul lien filial pour entrer dans une mission plus vaste, ouverte sur l’humanité entière. La question « Qu’y a-t-il entre moi et toi ? » — littéralement, « Qu’avons-nous en commun ? » — indique une forme de distance, non pour rejeter, mais pour souligner que l’heure de l’action, le temps des signes, n’est pas dictée par l’attachement familial ou les attentes humaines, mais par un dessein plus profond, une obéissance à la volonté du Créateur.

On pourrait alors percevoir dans cette parenthèse une mise à l’écart temporaire du lien terrestre, comme si Jésus, en ce moment charnière, se situait à la croisée des mondes : il appartient à la réalité humaine, partageant la fête et l’inquiétude du manque, mais en même temps il s’inscrit dans une dynamique céleste, celle de la révélation progressive du mystère. La réponse de Jésus trace donc une frontière délicate entre la spontanéité de la demande maternelle et le rythme intérieur de sa mission.

Oser lire cette scène ainsi, c’est accueillir la tension féconde entre proximité et altérité : Jésus n’agit pas selon la logique des liens naturels, mais selon celle de l’appel du ciel. Sa mère elle-même devra consentir à ce passage, devenant, de mère biologique, figure de la foi et de la confiance. Ce moment est alors porteur d’un enseignement universel : accueillir l’inattendu de Dieu, même lorsqu’il se glisse dans l’ordinaire, suppose parfois de renoncer à nos certitudes, à nos droits acquis, pour laisser advenir une parole et un geste qui nous dépassent, mais qui transforment le manque en abondance.

 

« Sa mère dit aux serviteurs :’Faites ce qu’il vous dira’. » - Jean 2 :5

Ces mots de Marie, « Faites ce qu’il vous dira », retentissent alors comme une invitation à l’abandon confiant, non seulement pour les serviteurs de Cana, mais pour tous ceux et celles qui cherchent une réponse à leur attente. En s’alignant sur la volonté divine, Marie montre le chemin du vrai disciple : non pas s’imposer dans le dialogue avec Dieu, ni chercher à forcer l’agenda du miracle, mais entrer dans une disponibilité intérieure, une écoute active qui précède toute manifestation de la grâce.

Il est tentant, dans la prière, de préciser à Dieu la forme que devrait prendre l’exaucement, d’en fixer le moment, le mode, ou même les contours. Pourtant, la scène des noces de Cana invite à une autre posture. Il ne s’agit pas tant d’exiger de Dieu qu’il agisse selon notre logique, mais de reconnaître que l’acte de foi consiste d’abord à se rendre disponible à la Parole qui précède nos attentes, à accueillir l’inattendu qui bouleverse nos plans.

C’est là toute la leçon du « Faites ce qu’il vous dira » : se demander, avant d’espérer voir le manque comblé, si l’on est prêt à entrer dans l’obéissance, à ajuster ses propres élans à l’initiative divine. La foi n’est pas un outil pour manipuler le ciel, mais une écoute qui ouvre l’espace du cœur à la nouveauté de Dieu. Ainsi, la vraie question du croyant n’est pas seulement « Quand Dieu me répondra-t-il ? », mais « Suis-je prêt à entendre et à accomplir ce que Dieu me demandera, même si cela dépasse mon projet initial ? »

Marie, par son attitude silencieuse et résolue, incarne cette disponibilité absolue : elle ne sait pas comment Jésus agira, ni même s’il agira, mais elle fait confiance à la Parole, laissant à Dieu la liberté de surprendre. À la suite de Marie, chaque croyant est invité à vivre cette tension féconde entre désir et disponibilité, prière et obéissance, en se posant, dans la simplicité et la vérité, la question : « Ai-je fait, ou suis-je prêt à faire, ce que Jésus m’exhorte à accomplir ? » Car c’est souvent au cœur de cette disposition que la grâce opère, transformant le manque en surabondance, la demande en louange émerveillée.

 

Prière de foi inspirée des noces de Cana

Pour accueillir la parole et l’inattendu de Dieu

Dieu de l’imprévisible et du quotidien, au Nom de Jésus-Christ, Ton Fils Unique, Seigneur sur notre vie :

Nous venons devant toi, comme invités au festin de la vie, parfois habités par le manque, parfois portés par la fête. Apprends-nous, à la suite de Marie, à déposer nos attentes et à ne pas imposer nos plans à ta Sagesse. Rends nos cœurs attentifs à ta Parole, même quand elle surprend, dérange ou diffère de ce que nous aurions souhaité.

Donne-nous de reconnaître, à travers les silences et les réponses qui déconcertent, la trace d’un amour qui nous dépasse et nous transforme. Que l’écho de « Faites ce qu’il vous dira » retentisse en nous, nous invitant à l’écoute active, à la confiance paisible et à l’abandon confiant entre tes mains.

Libère-nous de la tentation de maîtriser le temps de la grâce, d’anticiper son mode ou ses contours. Plonge-nous dans une disponibilité intérieure, pour que nos désirs s’accordent à ton dessein, et que notre foi devienne accueil de l’inattendu.

Nous te prions, Père Créateur, d’ouvrir en chacun(e) de nous l’espace humble où la grâce peut surgir, pour que le manque ne soit pas motif de fermeture, mais invitation à l’émerveillement devant ta surabondance. Donne-nous de marcher chaque jour dans la simple confiance de Marie, prêts à écouter, prêts à agir, prêts à accueillir la nouveauté que tu prépares.

Que notre prière soit avant tout ouverture,

Que notre attente devienne offrande,

Et que notre vie se fasse louange,

Dans la fidélité à ta Parole qui renouvelle tout.

Amen.

 

Fraternellement en Jésus,

Yves GRAVET

Pasteur-Missionnaire

 

samedi 6 septembre 2025

Souvenirs de mission à Fada N’gourma

 RÉSUMÉ

 

Ce récit émouvant relate une mission pastorale au Centre Chrétien Parole Vivante à Fada N’gourma, Burkina Faso, en décembre 2011, suivie d’une grave épreuve médicale qui a profondément marqué l’auteur. Il mêle témoignage spirituel, expérience humaine et lutte contre la maladie, illustrant la force de la foi et de la solidarité dans l’adversité.

Mission à Fada N’gourma : accueil et collaboration fraternelle

L’auteur décrit son arrivée au Centre Chrétien Parole Vivante, où il est chaleureusement accueilli par Esther et David Traoré, le couple pastoral fondateur. Ce séjour est marqué par une collaboration étroite entre leur œuvre et celle de Vie Comblée, nourrie par une forte présence du Saint-Esprit qui guide les prières, les louanges et les décisions. Cette expérience est vécue comme une véritable rencontre fraternelle et spirituelle, source d’encouragements durables pour l’auteur.

Début de la maladie et premiers signes alarmants

Alors que la mission touche à sa fin, l’auteur est soudainement frappé par une douleur intense au nombril accompagnée de fièvre et de frissons, symptômes évocateurs d’une crise de paludisme. Malgré la douleur et la fièvre, il tente de gérer la situation discrètement pour ne pas déranger ses hôtes. La nuit est difficile, marquée par une respiration douloureuse et une forte fièvre.

Prise en charge initiale et report du voyage

Au lever du jour, Esther, infirmière d’État, décide de le placer sous perfusion pour combattre le paludisme suspecté. Le départ prévu est reporté, et l’auteur reste sous surveillance médicale attentive. Malgré les soins, la douleur persiste, et la fatigue s’installe, illustrant la fragilité face aux aléas climatiques et sanitaires de la région. La patience, la foi et l’entraide deviennent les piliers de cette période d’attente.

Voyage vers Ouagadougou et assistance à l’aéroport

Après quelques jours, le voyage reprend vers Ouagadougou, accompagné de David Traoré. La fatigue est grande, et un appel à la prière est lancé auprès de proches. À l’aéroport, une assistance spéciale est accordée par Air France, permettant à l’auteur d’éviter la cohue et d’être soutenu physiquement, notamment en chaise roulante. Contre toute attente, il choisit de monter l’escalier d’embarquement à pied, manifestant une volonté de dignité malgré la maladie.

Arrivée en France et hospitalisation urgente

À Bordeaux, l’auteur est accueilli par son épouse Michelle et leur fils Samuel. La situation s’aggrave rapidement, nécessitant une hospitalisation immédiate. Malgré les procédures administratives, une infirmière intervient rapidement pour prendre en charge l’auteur, plongé dans un état de grande faiblesse, presque inconscient. Quatre jours de lutte silencieuse s’ensuivent, marqués par une présence spirituelle forte et une attente pleine d’espoir.

Diagnostic médical et combat contre une infection inconnue

Les examens médicaux écartent le paludisme actif mais révèlent une infection bactérienne inconnue qui a envahi l’organisme. Une ponction lombaire est réalisée, et l’état de santé reste critique avec fièvre et convulsions. Michelle et un cercle de priants veillent sans relâche, conjuguant science et foi dans un combat pour la vie. La chambre stérile devient un lieu symbolique de résistance et d’espérance.

Découverte d’une pathologie grave et préparation à l’opération

Une semaine après, l’auteur quitte l’hôpital temporairement mais doit revenir pour une cœlioscopie qui révèle la probabilité d’un cancer du côlon avec plusieurs polypes, dont un ulcéreux. Cette nouvelle, lourde de sens, est accueillie avec confiance et sérénité, soutenue par l’optimisme de Michelle. L’intervention chirurgicale est programmée, mais un examen d’IRM effectué en urgence révèle une complication majeure : la vésicule biliaire a éclaté, aggravant la situation.

Lutte contre la Klebsiella, dit « la tueuse »

L’analyse post-opératoire identifie une bactérie redoutable, la Klebsiella, responsable de la rupture de la vésicule. Cette infection rare, contractée probablement par contact animalier, a déclenché une grave bataille médicale. Malgré le choc, l’auteur témoigne d’une force intérieure portée par la foi, la gratitude et la présence invisible qui l’a soutenu tout au long de cette épreuve.

Expression de gratitude et foi renouvelée

Le récit s’achève par une prière de reconnaissance adressée à Dieu, exprimant la gratitude pour le soutien reçu, la force insoupçonnée, la sagesse des soignants et la présence aimante des proches. Cette prière souligne l’importance de la foi, de l’espérance et de la confiance dans la traversée des épreuves, incarnant un témoignage vibrant de résilience spirituelle.


Ce témoignage puissant illustre la complexité d’une mission spirituelle entremêlée à une lutte vitale contre la maladie, où la foi, la fraternité et la médecine s’allient pour affronter l’inconnu et la souffrance. 

 


Souvenirs de mission à Fada N’gourma

Novembre - Décembre 2011 au Centre Chrétien Parole Vivante

Novembre - Décembre 2011. Les souvenirs de cette période sont empreints de lumière et de chaleur humaine, lorsque mes pas m’ont mené au Centre Chrétien Parole Vivante, niché au cœur de Fada N’gourma, à l’Est du Burkina Faso. Le soleil africain baignait la ville de ses lueurs dorées tandis que j’approchais de la mission, le cœur plein d’attente et d’espérance.

À mon arrivée, j’ai été accueilli avec une générosité sans réserve par le couple pastoral, Esther et David TRAORÉ, âmes fondatrices de cette œuvre que nous avons vu éclore, pierre après pierre, prière après prière.

Leur sourire sincère, leur regard empreint de foi et leur hospitalité bienveillante sont toujours au rendez-vous depuis 1994. Dès notre première rencontre, je me suis senti membre d’une famille plus vaste, portée par la même vision de service et d’amour.

Notre partenariat, tissé patiemment entre l’œuvre ‘Vie Comblée’ attachée à notre ministère d’évangélisation et le ‘Centre Chrétien Parole de la Foi’ attaché au ministère d’enseignement du (feu) pasteur Claude SOLD en Alsace, s’est révélé dans sa dimension la plus concrète au sein de cette mission. 

Au fil des jours, la collaboration avec le Centre Chrétien Parole Vivante s’est enrichie de rencontres, de partages et de projets communs. Les échanges étaient nourris de respect mutuel, chacun apportant ses talents, ses histoires et sa sensibilité, dans une dynamique d’édification réciproque.

Mais plus encore, c’est l’influence active du Saint-Esprit qui a conféré à ce séjour une dimension unique et profonde. Dans chaque réunion de prière, chaque moment de louange, chaque temps de réflexion autour de la Parole, j’ai ressenti Sa présence vivifiante, guidant nos pas, inspirant nos décisions et fortifiant notre communion. Les discussions prenaient une saveur nouvelle, habitée par la conviction que nous étions appelés à œuvrer ensemble pour un but qui nous dépassait.

Cette mission à Fada N’gourma a été bien plus qu’une simple étape dans un parcours de service: elle a été une rencontre avec une communauté en marche, un témoignage vivant de la puissance de l’unité et de la foi partagée. Les souvenirs de l’hospitalité du couple TRAORÉ, la fraternité entre les œuvres et la douce mais puissante direction du Saint-Esprit continue d’accompagner mon chemin, comme une source intarissable d’encouragement et de reconnaissance.

Michelle, mon épouse, était restée à la maison pour remplir des obligations personnelles. Le séjour a suivi son cours de manière régulière jusqu’au dimanche, qui marquait la fin de ma mission. Lors de la préparation de mon départ, j’ai noté que chaque mission laisse place à de nouveaux souvenirs.

 

Le lundi matin, au lever du soleil sur Fada N’gourma, je prévoyais de prendre le bus pour Ouagadougou. Une étape était programmée chez nos amis Marceline et Marcel, offrant une transition avant le retour. Les rencontres dans leur foyer constituent toujours une occasion de faire le point sur la mission, à travers des échanges constructifs.

Enfin, mercredi soir, je devais rejoindre l’aéroport en vue du vol Air France vers Paris puis Bordeaux. Comme lors de mes précédentes missions, chaque étape se clôturait sur un sentiment d’accomplissement, tout en maintenant le lien avec l’expérience vécue.

Cependant, cette planification allait être impactée par un événement imprévu.

Le dimanche soir, après un repas léger partagé dans la convivialité et la simplicité, la douceur de la saison rendait l’atmosphère particulièrement agréable. L’heure de se coucher approchait, invitant à la quiétude avant la prochaine étape du voyage. À peine une demi-heure s’était-elle écoulée que je fus soudainement saisi par une douleur violente autour du nombril, m’obligeant à m’asseoir, crispé, au bord du lit. 

Était-ce une indigestion, simple caprice d’un estomac bousculé par les saveurs locales? Je me questionnais, tentant de démêler dans l’obscurité les raisons de ce malaise. Mais bientôt, des frissons parcoururent mon corps, signe avant-coureur d’une montée de fièvre. À mesure que la chaleur m’envahissait, le doute s’insinua : et si les symptômes du paludisme s’invitaient en cette dernière nuit à Fada N’gourma?

Je pris soin de ne pas réveiller Esther, infirmière d'État, et David, qui avaient besoin de repos. Je me rends au frigo chercher une poche d'eau consommable, mais bien glacée, me la déposant sur ma nuque, afin d'atténuer la fièvre. À peine décidai-je de me recoucher, impossible de rester allongé, ma respiration devenait douloureuse. Je passai donc ma nuit assis, transpirant, assuré d'une indigestion consécutive à une crise de paludisme.

Les heures s’étiraient, lentes et silencieuses, ponctuées seulement par le cliquetis lointain de la ville endormie et le bourdonnement de mes pensées inquiètes. Entre frissons et sueurs, je méditais sur la fragilité de nos projets, sur la façon dont un simple imprévu peut redéfinir le sens d’une mission. Malgré la fatigue, je sentais grandir une forme de gratitude : celle de savoir que, même dans la faiblesse, l’accompagnement invisible de la prière et de l’amitié demeure un roc.

À l’aube, la lumière pâle filtrait à travers les fenêtres, dessinant sur les murs des reflets d’espoir. Épuisé mais soulagé que la nuit touche à sa fin, je me préparais à informer mes hôtes, certain qu’il faudrait, avant toute chose, consulter pour écarter tout risque. À Fada N’gourma comme ailleurs, chaque mission s’écrit avec ses ombres et ses lumières, et chaque épreuve renforce l’attachement à cette terre et à celles et ceux qui la portent.

 

Le lundi matin, à six heures, la maisonnée se met en mouvement. J’informe mes précieux hôtes de mon état fébrile, et Esther, toujours attentive, décide de me placer sous perfusion pour contrer le paludisme que nous soupçonnions. L’atmosphère matinale est empreinte d’attention et de sérieux : chacun comprend que le voyage prévu ne pourra pas avoir lieu ce jour-là.

Suivant le conseil d’Esther de boire régulièrement pour me réhydrater, je m’efforce de porter l’eau à mes lèvres, même si chaque gorgée me coûte. L’appétit m’a quitté — sensation familière qui accompagne toute crise de paludisme, où le corps ne réclame rien d’autre que du repos. La décision s’impose d’elle-même : le départ sera reporté à mardi matin, laissant place à un sursis nécessaire pour retrouver un peu de force.

J’étais épuisé, la fièvre me clouant dans un fauteuil, sous la surveillance vigilante d’Esther. Le Major, infirmier en chef, fait son entrée tel un médecin rassurant ; sa visite, empreinte de compétence et d’humanité, apporte un souffle d’assurance à la maisonnée. Malgré les soins apportés, la douleur persistante autour du nombril ne faiblit pas, me rappelant la vulnérabilité des organismes face aux aléas du climat africain.

Lentement, la journée s’étire au rythme des battements de cœur et des gestes bienveillants. Enveloppé de sollicitude, je laisse passer les heures, conscient que la patience, la foi et la main secourable de l’autre sont parfois les seuls remèdes à notre portée. Ainsi se réécrit la trame du voyage, tissée de renoncements temporaires, mais aussi de la profonde reconnaissance d’être entouré, même loin de chez soi, par une famille de cœur.

 

La nuit de lundi à mardi s’étire dans la même torpeur, sans l’ombre d’une amélioration véritable. Le paludisme, fidèle à sa réputation, suit sa logique implacable, imposant son propre rythme au corps fatigué. L’aube du mardi paraît pourtant différente: une légèreté discrète, un souffle neuf, semble traverser mes membres, signe d’un possible répit. Mais la prudence domine. Préférant ménager mes forces, je renonce à tout déplacement ce jour-là.

Le vol, prévu mercredi vers 23h, oriente l’organisation de la suite. L’idée se dessine de rejoindre Ouagadougou en bus le mercredi matin, pour arriver chez Marceline et Marcel autour de 13h. Ce délai supplémentaire devient un havre de récupération, une parenthèse pour laisser l’organisme reprendre son équilibre.

Au fil des heures, les visites amicales se succèdent, chacune apportant une touche de chaleur et d’encouragement. Je prends soin de rassurer Michelle, lui décrivant les hauts et les bas des crises paludéennes, ces cycles où la fièvre et la lassitude cèdent parfois la place à un bien-être trompeur, juste assez pour redonner espoir. Mais ces sensations, je le sais, demeurent éphémères, comme des mirages au bord du désert : seules la patience et la vigilance mèneront au terme du voyage.

Ainsi, entre soins attentifs, paroles réconfortantes et attentes silencieuses, cette fin de mission à Fada N’gourma s’inscrit sous le signe de la résilience et de la profonde humanité partagée.

 

Mercredi matin, c’est décidé: les valises sont chargées dans le pickup, David, fidèle à son habitude, veille à chaque détail de notre départ et nous accompagne jusqu’au bus pour Ouagadougou. Quatre heures de route défilent, rythmées par le vrombissement du moteur et le défilement des paysages poussiéreux. Je cède à la fatigue, m’assoupissant par bribes, mais le regard attentif de David, parfois assombri par l’inquiétude, ne m’échappe pas. Sentant mes forces décliner, j’envoie un message à Michelle depuis mon portable: une demande de prière, simple et urgente, portée par la vulnérabilité du moment.

L’arrivée à Ouagadougou est à la fois un soulagement et une épreuve. David, toujours aussi efficace, hèle un taxi sans tarder pour nous conduire jusqu’à la maison de Marceline et Marcel. Là, après la fraîcheur éphémère d’une douche, mes jambes vacillent; je tente de m’étendre, espérant que la douleur s’atténue. Mais rien n’y fait: la sensation de vide dans mon estomac, la digestion suspendue, tout me rappelle que le paludisme poursuit son œuvre silencieuse, exigeant patience et abandon. Les murs protecteurs de la maison deviennent alors refuge provisoire, repaire où l’on s’accroche à la bienveillance et à l’espoir d’un lendemain plus clément.

Vers vingt heures, il est temps de se rendre à l’aéroport pour l’enregistrement. La fatigue pèse sur mes épaules alors que, accompagné de David, je franchis les portes pour l’enregistrement. Une appréhension sourde s’insinue en moi à la vue de la file unique de voyageurs qui s’amenuise lentement, comme si chaque pas vers le comptoir d’enregistrement grignotait un peu plus mes dernières forces.

Je me tourne vers David, conscient que mes jambes ne me porteront pas longtemps encore. Il partage ma préoccupation, mais m’avoue, la voix pleine de regret, qu’il ne pourra pas m’accompagner au-delà de la ligne autorisée. C’est à ce moment précis que l’impossible semble se frayer un chemin dans la réalité.

Un membre du personnel d’Air France, tout droit venu de l’enregistrement, s’approche de moi avec une étonnante détermination et m’invite à le suivre : un nouveau comptoir venait tout juste d’ouvrir ses portes. Porté par l’espérance, j’explique en quelques mots ma situation, la faiblesse qui m’accable et le besoin d’assistance. Sans détour, la réponse est immédiate. On m’installe dans une chaise roulante, et, dans un élan de bienveillance discrète, je suis conduit jusque dans la salle d’embarquement, épargné de la cohue et des attentes interminables.

À cet instant, une gratitude profonde s’élève en moi, silencieuse et lumineuse, pareille à un souffle de grâce. Ce miracle inattendu, survenu alors que tout semblait se refermer, devient le symbole d’une force qui dépasse nos propres limites. Dans la nuit ouagalaise, entre fatigue et reconnaissance, je comprends qu’il est des gestes simples qui recèlent la puissance de l’invisible et rappellent que, parfois, ce qui échappe aux humains demeure possible à Dieu.

Me proposant leur assistance pour me faire accéder dans ma chaise jusqu'à mon siège, je sens doucement revenir une énergie insoupçonnée, infime mais suffisante pour me convaincre d’un petit effort de plus. Porté par la gratitude envers ces mains attentionnées et par la volonté d’incarner, à mon tour, un geste de reconnaissance, j’esquisse un sourire, puis décline poliment leur offre. Je décide, contre toute attente et à la surprise générale, d’emprunter l’escalier d’embarquement. Chaque marche franchie devient alors une victoire sur la lassitude et la maladie, un hommage silencieux à celles et ceux qui, par leur sollicitude, m’ont permis d’arriver jusque-là.

J’imagine sans peine les pensées qui pourraient traverser les esprits autour de moi: pourquoi s’imposer cela, alors que le service est offert? Peut-être, tout simplement, par fierté, par besoin de laisser à la bienveillance reçue la place de s’accomplir jusqu’au bout, puis de reprendre à nouveau, pour soi, l’initiative du mouvement. Parce que l’on veut laisser une trace de reconnaissance, un élan de dignité retrouvée, même vacillante.

Installé enfin à ma place côté hublot pouvant reposer ma tête, ceinture bouclée, je ressens l’apaisement m’envahir. Le bruit feutré de la cabine, la lumière tamisée, tout invite au repos. Le poids de ces derniers jours se dissout dans la douceur d’un sommeil profond. Emporté par le vol de nuit, je m’endors… jusqu’à Paris.

 

L’atterrissage me réveille. Je n’ai rien consommé de mon voyage. L’assistance d’Air France me récupère à la sortie de l’avion. Je suis transporté, avec d’autres voyageurs bénéficiaires de cette assistance, jusqu’au terminal pour embarquer deux heures plus tard pour Bordeaux. L’assistant m’assure que je serai récupéré pour embarquer en priorité.

Si j’ai récupéré de l’énergie durant la première étape de mon retour, l’attente de deux heures ne sera pas plus attrayante. Cette fois je suis accompagné jusqu’à mon siège côté hublot, reposant tout de suite ma tête. Et rapidement je m’endors jusqu’à Bordeaux.

L’atterrissage à Bordeaux - Mérignac, plus brutal que d’ordinaire, me sort d’un sommeil dense, presque un abîme où même la conscience du corps s’estompe. Une gêne inattendue me fait prendre la mesure de mon épuisement: je n’ai pas senti que j’avais mouillé mon pantalon. Un frisson de honte tente de s’installer, mais la réalité, crue, impose la nécessité de l’instant. Il faut avancer. Je m’agrippe aux dossiers des sièges tout en poussant ma valise cabine, reconnaissant d’apercevoir, non loin de la porte, l’assistant avec la chaise roulante, fidèle au rendez-vous.

Porté jusqu’à la salle de récupération des bagages, je scrute la foule, le cœur battant. Et soudain, une silhouette familière: Michelle, le visage éclairé d’un sourire, et notre fils Samuel, son regard interrogateur, qui est venu avec sa voiture pour me récupérer. Un immense soulagement, une vague de chaleur, m’envahit. Tout le poids et la fatigue du voyage semblent s’effacer à la vue de ce petit groupe qui m’attend, fragile balise dans la tempête. Dans ce tumulte d’émotions, je comprends qu’au bout du périple, l’amour reste l’ancrage le plus sûr, la lumière fidèle à travers la nuit.

Michelle, sans hésiter, prend la décision: direction l’hôpital tout proche de chez Samuel. Pourtant, avant de s’y rendre, un détour nécessaire s’impose pour des besoins du quotidien chargés d’une gravité nouvelle alors que l’urgence bat son plein.

 

À l’hôpital, le ballet administratif s’impose, implacable: il faut enregistrer le patient. Michelle insiste, d’une voix où perce la tension, sur l’urgence de la situation médicale, mais rien n’y fait: l’enregistrement précède tout, la procédure avant la vie. Dans l’impuissance, Michelle se retourne vers moi; je suis là, effondré, inconscient, le corps alourdi par la fatigue et la maladie, plongé à la frontière du coma. Face à la secrétaire, elle laisse tomber, rauque, une question qui claque comme un reproche: «Vous avez gagné quoi?»

C’est alors qu’une infirmière entre dans la scène, attentive au tumulte. En un clin d’œil, elle évalue, comprend l’urgence et, sans plus attendre, me prend en charge, brisant le mur froid de la bureaucratie par un geste de soin.

Depuis ce dimanche soir, le temps s’étire, dense et silencieux, jusqu’à ce jeudi, treize heures. Quatre jours de lutte muette, entre veille et sommeil, où le corps vacille et l’esprit s’accroche à quelque chose de plus grand que lui. 

« Non, il ne somnole pas, non, il ne dort pas,celui qui garde Israël.» Psaume 121 :4

Le murmure de ce Psaume résonne dans cet espace suspendu: veiller, persévérer, croire qu’une présence veille lorsque tout vacille. La lumière se fait rare, mais elle persiste, tenace, à travers la brume des jours et l’agitation des couloirs.

 

À ce stade, j’entre entre les mains médicales. Tous ignorent que «la tueuse — la mort» me poursuit! Cerné d’écrans, de perfusions, d’agitation feutrée, je sens la présence invisible qui rôde, qui attend le faux pas. Dans ce ballet blanc et aseptisé, chacun veille à ses gestes, chaque parole se veut rassurante, mais nul ne soupçonne la course silencieuse de l’ombre qui serpente, tapie derrière chaque battement de mon cœur essoufflé.

Je perçois l’urgence dans les voix, la gravité dans les regards échangés, mais la vraie menace, intime, effleurant ma conscience embuée, reste silencieuse. C’est une lutte sans témoin, une danse haletante avec l’indicible, où chaque souffle arraché est un triomphe sur la disparition. Dans ce théâtre d’espoir et de science, je puise une force insoupçonnée, une rage de vivre qui repousse, pour un instant encore, l’étreinte glaciale de la fin.

Et là, dans le fil fragile de l’existence, entre la douleur et l’attente, je comprends soudain: même poursuivi par la mort, tant qu’une main soigne, tant qu’un regard s’attarde, le combat n’est pas vain. Dans l’ignorance de la présence de la «tueuse» qui rôde, mais tant que la lumière d’une présence humaine persiste, il demeure une place pour le miracle.

 

Michelle, refusant de céder à la lassitude ou à l’incertitude, réclame avec fermeté la procédure de «la goutte épaisse», cette analyse qui pourrait enfin lever le voile sur l’éventuelle présence du paludisme. L’équipe médicale, un peu déstabilisée par son insistance, finit par s’exécuter. Les prélèvements s’enchaînent, le sang s’étale sous le microscope, chaque cellule scrutée par des regards experts, dans l’espoir de déceler la trace du parasite.

Un spécialiste en maladies tropicales rejoint le ballet autour de mon brancard sur lequel je repose dans le box des urgences, apportant avec lui l’autorité tranquille de l’expérience. Les résultats tombent: pas de paludisme actif, seulement quelques vestiges anciens, des cicatrices invisibles d’un combat passé. Ce verdict, irréfutable, écarte une angoisse sans fermer toutes les portes à l’inquiétude. Car la cause de mon état de torpeur échappe encore à la certitude médicale.

Alors, les soignants redoublent d’efforts pour me ramener du bord du gouffre. Les voix basses autour de moi, tout le savoir de l’hôpital se concentre sur ce réveil espéré. À travers les tentatives, une énergie nouvelle circule: il ne s’agit plus seulement de lutter contre une maladie, mais de raviver la flamme vacillante d’une présence, de redonner consistance à celui qui vacille entre deux mondes. Dans l’obscurité du coma, porté par la ténacité de Michelle et la science des médecins, la possibilité du retour s’insinue, fragile mais tenace.

 

Il est vingt et une heure. Un interne vient : «Madame Gravet, nous avons réussi à ramener M. Gravet. Vous pouvez venir auprès de lui.»

Dans le box d’accueil, Michelle me rejoint, Samuel à ses côtés, porteurs d’un souffle d’espérance. Leur présence, silencieuse mais vibrante, s’ancre dans la prière: ‘Seigneur Jésus, que la gloire divine se manifeste, que le personnel médical soit guidé et soutenu dans ce temps d’incertitude.’

Les médecins, après avoir écarté le paludisme, font une découverte inattendue: une bactérie, inconnue, a franchi la barrière immunitaire, s’insinuant là où nul ne l’attendait. Le verdict tombe, sec et grave, et une ponction lombaire est aussitôt réalisée, chaque geste empreint de précaution et d’urgence.

La chambre où je suis installé devient un poste de veille, la nuit s’étire dans la fièvre et les convulsions. Sous l’œil attentif des soignants, chaque alarme est un rappel de la fragilité de l’instant. Dans la tourmente, alors que le corps lutte contre l’invisible, la volonté de vivre et la solidarité humaine se conjuguent, infusant à la nuit une force tranquille, une espérance obstinée.

Michelle veille, la prière sur les lèvres, logeant chez Samuel; elle a informé trois serviteurs qui se tiennent avec elle dans la prière. Dans ce cercle discret, la nuit s’épaissit, mais chaque pensée, chaque parole murmurée, tisse autour de moi un manteau d’intercession. À travers leurs voix unies, une onde invisible traverse la chambre, portée par l’espérance et la conviction que la lumière peut percer même les replis les plus sombres. 

Dans l’attente, entre l’effroi et le miracle, il y a cette présence fraternelle, obstinée, qui ne plie ni devant l’incertitude ni devant la fatigue: la veille se poursuit, portée par l’intime certitude que la vie se défend parfois mieux dans le secret des âmes rassemblées que dans le tumulte des machines.

 

La bactérie, pour l’instant tenue en respect, se livre à une bataille silencieuse dans l’antre feutré du laboratoire. En attendant de percer le secret de son identité, je suis installé dans une chambre stérile, espace hors du monde où l’air filtré s’apparente à une promesse de rémission. Les jours s’étirent, rythmé par les soins minutieux, les mots rares des soignants et l’immobilité presque sacrée imposée par l’attente. Pourtant, contre toute prévision, sous l’effet conjugué de la vigilance médicale et d’une vigueur retrouvée, mon corps se redresse: après une semaine, porté par cet élan vital qui défie l’adversité, je regagne la maison, le souffle allégé mais l’esprit encore traversé de questions.

Comment une bactérie, venue d’on ne sait où, a-t-elle pu semer un tel chaos? Cette énigme demeure, flottant au-dessus de moi comme une brume mal dissipée, appelant à une exploration plus profonde. 

 

Rendez-vous est pris: il me faudra revenir à l’hôpital, une semaine plus tard, pour subir une cœlioscopie sous anesthésie. La perspective de cet examen, à la fois redoutée et espérée, ouvre un nouveau chapitre d’incertitude et d’espoir; elle promet peut-être, enfin, de lever le voile sur les origines de cette tempête intérieure, d’offrir au corps et à l’esprit une réponse à la question lancinante du pourquoi. Entre deux battements, je me prépare à descendre encore une fois dans les profondeurs, là où la lumière médicale saura peut-être dissiper les dernières ombres.

Dans la lumière tamisée de la salle de réveil, je reprends lentement contact avec le monde. Un dossier, posé sur moi, attire mon attention et, attisé par cette curiosité qui s’accroche même aux abords du doute, je l’ouvre sans attendre. À l’intérieur, une photographie, accompagnée d’une annotation manuscrite : «probabilité d’un cancer du côlon avec cinq polypes dont un ulcéreux». La formule, grave, s’imprime en moi comme une sentence sans verdict. Je referme le dossier, le cœur battant, muré dans une solitude dense.

Peu après, de retour dans ma chambre, deux médecins s’avancent, porteurs du sérieux des révélations. «M. Gravet, les examens nous ont permis de découvrir la probabilité d’un cancer du côlon avec des polypes», annonce l’un d’eux, la voix posée, les mots choisis pour ne pas heurter. 

La question rituelle suit: «Avez-vous des questions?»

Mais face à l’incertitude, je choisis la confiance: «Occupez-vous de mon corps, je m’occupe de mon âme et de mon esprit.»

Michelle, toujours présente, intervient avec cette lucidité teintée d’espoir qui la caractérise: «Probabilité, reste probabilité. Il est probable qu’en sortant avec ma voiture, je rentre dans le mur d’en face. Cela reste probable.» Par ces mots, elle repousse l’ombre, rappelant que le destin, même lorsqu’il se teint d’aléatoire, n’est jamais scellé.

Le rendez-vous pour l’intervention chirurgicale est fixé. Je regagne la maison, le poids des nouvelles mêlé à l’apaisement de retrouver un espace familier. L’attente recommence, un entre-deux où la vie se conjugue au futur incertain ; chaque geste, chaque parole, chaque prière devient un acte de résistance et d’espérance, tissés ensemble pour accueillir la suite, sans se laisser submerger par la peur.

 

La veille de l’opération, j’observe les murs pâles de ma chambre, théâtre silencieux d’un ultime face-à-face avec l’inconnu. Le chirurgien entre, précis et calme, détaillant le scénario de l’intervention à venir. 

Déjà sur le seuil, il s’arrête, se tourne vers son assistante, une vive inquiétude perçant sa routine : « Est-ce que M. Gravet est passé par un I.R.M. ? » – « Non ! » La réponse fuse, sans détour. « Faites-le dès maintenant avant l’intervention, que je sois fixé. »

Je ne sais pas s’il détient l’identité de la bactérie. Le doute s’insinue, mais le flot des événements m’engloutit sans me laisser le temps d’enquêter. L’examen I.R.M. s’enchaîne, résonnant comme une parenthèse hors du temps. Puis la stupeur: à l’écran, la vésicule biliaire, organe modeste et oublié, a explosé. Un mois et demi s’est écoulé depuis ce dimanche soir à Fada N’Gourma, et voilà qu’un nouveau mystère s’impose.

L’intervention, que je croyais balisée, s’étirera deux heures de plus, s’ouvrant sur sept heures de bataille en salle d’opération. Quand l’analyse tombe enfin, elle porte le nom d’une adversaire redoutée des milieux médicaux : « la Klebsiella », surnommée « la tueuse ». Contractée au contact d’animaux ou, parfois, d’une simple poignée de main, elle se tapit d’abord dans les alvéoles pulmonaires, attendant l’instant de se jeter dans « la piscine » — la vessie — et de la faire éclater, entraînant la fin. Dans mon cas, la trajectoire dévie: c’est la vésicule biliaire qui a cédé sous l’assaut, éclatant en silence, repoussant l’échéance.

Entre le choc de la découverte et la tension de l’attente, je demeure suspendu dans cet entre-deux, témoin malgré moi d’une lutte à huis clos où chaque organe, chaque geste médical, devient l’acteur d’un drame intérieur. Mais dans ce chaos orchestré, l’espérance continue de tracer, fragile et tenace, sa route à travers l’incertitude.

Convoqué en consultation suite au prélèvement de vingt centimètres de côlon, le chirurgien nous fait entendre le résultat : pas de cancer du côlon.

La grâce de Dieu ne se mesure pas, son immensité nous enveloppe. L'éboulement de la mort ne put m'ensevelir. À travers les heures d’incertitude et le tumulte des diagnostics, c’est une force silencieuse, diffuse et indéfinissable, qui m’a maintenu sur la crête fragile du vivant. 

J’ai senti, au plus fort de la tourmente, qu’une main invisible empêchait la nuit de se refermer, repoussant le chaos au seuil de mon histoire. Dans le tremblement des jours et la lumière vacillante des lendemains, j’avance désormais avec la gratitude d’un rescapé, habité par la conscience aiguë de l’infini et du mystère. Chaque souffle, chaque matin, porte la trace de ce miracle discret, et je chemine, humble, sous la voûte vaste de la grâce inépuisable.

 

J’exprime ici à Mon Dieu, au Nom de Jésus-Christ, Seigneur de ma vie, ma prière de reconnaissance :

« Seigneur, dans le secret de cette traversée, je viens humblement déposer devant toi Mon Dieu ma reconnaissance. Au creux de la nuit, alors que la fragilité de mon corps se dévoilait sous les lumières crues de la médecine, ta présence, silencieuse mais palpable, a veillé sur moi.

Au Nom de Jésus-Christ, source de ma vie et de ma paix, je t’offre cette prière: merci pour la force insoupçonnée qui m’a soutenu lorsque tout vacillait, pour la lumière qui a percé le brouillard de l’incertitude, pour la main invisible qui a retenu l’éboulement et préservé ma vie.

Merci pour la tendresse de ceux qui m’entourent, la sagesse des soignants, et pour le souffle renouvelé qui m’est donné chaque matin. Que mon cœur demeure ouvert à la gratitude, que ma voix chante la fidélité de ta grâce, et que toutes mes pensées remontent vers toi, éternel refuge et espérance.

Dans la tempête et dans le silence, je reconnais l’œuvre de ton amour: elle me relève, elle m’épaule, elle m’appelle à vivre avec confiance et humilité. Reçois, Seigneur, cette offrande de louange; elle est le fruit de ma traversée, le témoignage de ta miséricorde, l’élan de ma foi renouvelée.

Amen. »

 

En Jésus,

Yves GRAVET

Pasteur-Missionnaire